Billet – Petit déjeuner du 12 juin – Annecy 2019 – Par Nora Thullin

Coup de projecteur sur les réalisatrices en compétition

Par Nora Thullin

 

 

Percée de soleil bienvenue en cette matinée, et deuxième rendez-vous des Femmes s’animent, où se pressent fidèles des petits déjeuners et nouveaux et nouvelles venu·e·s.

Aujourd’hui, rencontre avec Lisa Fukaya, Chintis Lundgren, Anne Huynh et Eni Brandner, réalisatrices en compétition. De l’intime au politique en passant par les vicissitudes de la vie moderne, quatre regards féminins sur le mouvement du monde.

Dire l’intimité, penser la mort

C’est ainsi à l’exploration du monde intérieur que se livre Lisa Fukaya à travers Mimi, court-métrage où la puberté, et la transformation physique qui s’ensuit, constituent l’ossature du récit. Formée au Japon, nourrie d’animation nippone, c’est pourtant en Europe – précisément au Danemark – que la jeune femme, lauréate de la résidence d’artiste Open Workshop dans la cadre de The Animation Workshop de Viborg, vient faire ses premiers pas de réalisatrice, trouvant là un lieu propice à une création s’affranchissant des sentiers battus.

Registre de l’intime encore que s’emploie à explorer la Française Anne Huynh, qui, après avoir présenté au MIFA son projet, alors à l’étape de pitch, revient cette année en compétition avec Mon papi s’est caché, court-métrage co-écrit avec Jean Régnaud. À travers le jardin, métaphore végétale de l’impermanence, se tisse le propos, discussion à la fois drôle et poétique sur la mort, le deuil et la nécessaire transmission. Faisant écho à la narration, le graphisme superpose, sans pour autant les absorber, tracés et crayonnés successifs, traduisant là le processus de constitution en strates de la mémoire, accumulation graduelle de souvenirs.

Vicissitudes de la modernité, questionnement du monde

Pour sa quatrième venue au Festival d’Annecy, troisième sélection et première compétition, l’Estonienne Chintis Lundgren choisit d’aborder, avec Toomas Beneath the Valley of the Wild Wolves, le genre de la comédie. À travers la figure d’un employé modèle, reconverti en plombier-gigolo à la suite de son licenciement, la réalisatrice et scénariste pose un regard caustique sur le couple et le monde du travail, où l’absurde n’oblitère cependant jamais totalement la tendresse.

Première sélection également pour Eni Brandner, réalisatrice autrichienne, dont le film Pantopos s’inscrit dans le cadre de Happiness Machine. Programme de courts-métrages né de la rencontre de vingt animatrices et compositrices européennes, ce projet s’articule autour de la question suivante : dans quelle mesure le modèle économique actuel affecte-t-il nos existences et, corrélativement, notre droit au bonheur ? Interrogation à laquelle Pantopos répond par une proposition lorgnant vers le surréalisme, traduction de l’affinité de sa créatrice pour un cinéma expérimental et avant-gardiste.

De cette heure et demie d’échanges émergent in fine, entre thé, café et fruits de saison, quatre regards sur le monde, quatre visions singulières, où s’expriment avec éclat force et inventivité des femmes dans l’animation contemporaine.