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Rencontre avec Céline Ronté

«  Être tous artisan du succès du film  »

Artiste depuis toujours, c’est avec un talent certain que Céline Ronté s’est fait une place sur la scène de l’animation française. Cette comédienne découvre presque par hasard ce secteur et la façon de donner vie aux personnages grâce à la voix. Passionnée, elle avance au gré des rencontres, et partage joyeusement son temps entre le théâtre, la direction d’acteurs, le doublage et l’écriture. Rencontre avec une créatrice tout feu tout flamme…

Son parcours

Céline assiste grâce à des amis à une séance de doublage alors qu’elle est encore toute jeune comédienne. La façon dont les artistes donnent vie aux personnages d’animation la fascine. La rencontre avec l’acteur et directeur artistique Hervé Rey lui offre l’opportunité de faire sa première boucle de doublage et là, tout s’enchaîne « J’ai une voix grave, ce qui était assez rare, j’ai donc pu très vite travailler et j’ai fait beaucoup de voix de petits garçons au départ ». Son parcours dans l’animation est lancé.

Elle continue par ailleurs, le théâtre, la mise en scène, et après avoir interprété les voix témoins sur le long métrage Le Tableau, le réalisateur Jean-François Laguionie et la directrice du studio Christine Seznec lui proposent toute la direction artistique du film. Cette première direction lui laisse un souvenir marquant. Elle découvre alors l’intérêt de faire les voix avant l’image – cette méthode demeure aujourd’hui son mode de fonctionnement préféré avec les comédiens.

Les voix et l’image

« Faire les voix avant l’image se rapproche beaucoup du théâtre et offre la possibilité de mettre en scène des comédiens dans un studio pour leur faire incarner des personnages qui ne sont pas encore là et qui n’ont pas encore de vie » – la méthode et le résultat obtenus fascinent Céline. Au réalisateur et au storyboardeur de mettre en scène et dessiner à partir de l’enregistrement des voix des comédiens.

Cette révélation sur Le Tableau lui permet de continuer de diriger le jeu des comédiens sur des séries d’animation et d’autres films.

Travailler uniquement avec le design des personnages, les recherches graphiques, parfois l’animatique et parfois pas, c’est là tout le talent d’une direction d’acteurs. Il s’agit d’embarquer les comédiens à la seule lecture du script pour inventer les personnages, leur donner une âme, s’approprier leurs mots, jouer sur les dialogues et les registres de langage, sans être obligé de jouer sur des « bouches déjà animées, ce qui est une vraie contrainte de doublage ». Céline apprécie cette liberté de jeu et s’épanouit dans cette direction réellement créative qui lie ses deux passions du théâtre et de la voix. 

Un enchaînement de belles expériences

Cette technique de jeu en studio devient sa méthode préférée, appliquée pour Le Grand Méchant Renard, J’ai perdu mon corps, ou les séries Les grandes Grandes Vacances, Ernest et Célestine, Chien pourri, entre autres.

Aujourd’hui, convaincue de cette mise en voix avant l’image, Céline essaie de tester de nouveaux dispositifs en filmant les acteurs installés en studio afin de capter leur gestuelle qui peut inspirer ou aider les animateurs à donner vie aux personnages. Cette approche est passionnante pour elle. Cela permet de mieux relier le jeu des acteurs avec l’animation des personnages pour plus de justesse, tout en créant une vraie émulation entre les comédiens, les animateurs et le réalisateur.

C’est par ce biais de la direction et du jeu en studio que Céline commence à écrire et à revêtir sa troisième casquette de scénariste. À force de retravailler les scènes en séances avec les comédiens et avec le réalisateur, pour que les personnages soient totalement habités, l’envie d’écrire lui est apparue comme une évidence.

Ses projets à venir

Voir plus loin… C’est qui a été son moteur depuis le début : des projets variés et guidés par des rencontres fortes !

En termes d’écriture, elle travaille avec son coscénariste Antoine Schoumsky sur La ballade de Yaya, Boule et Bill, Les Minus ou Dad.

En direction de comédiens, elle vient de terminer Funan, J’ai perdu mon corps et Calamity Jane. Elle va travailler sur Le Sommet des Dieux et Runes.

Pas de doute, l’actualité de Céline est chargée… Elle se dit gâtée et reconnaît se plaire au sein des univers très différents de chaque projet. La richesse des rencontres reste le moteur de son cheminement professionnel, et lui rappelle la vie du théâtre et des compagnies.

Et la place des femmes ?

Bien entendu, elle a vu, entendu et parfois subi quelques différences de traitement entre elle et des collègues masculins. Pour Céline, on ne doit jamais s’en laisser compter quand il s’agit de sexisme et ne pas hésiter à répondre. Elle croit également qu’il y a aujourd’hui un réel espoir de changement. Au vu des plus jeunes avec lesquels elle travaille et qui n’ont pas les a priori ou les réactions genrées de leurs aînés, elle est confiante en l’avenir.

Si le monde du cinéma demeure un monde masculin, les lignes bougent, et les femmes, notamment en animation, prennent des places de plus en plus importantes en production, réalisation, écriture et graphisme. Il était plus que temps, et s’il ne faut pas s’endormir, le constat est rassurant.

Son programme : travailler tou.te.s ensemble…

Ce qui pourrait résumer son parcours serait sans doute le travail en équipe ! C’est la base du théâtre, et c’est un indéniable atout sur les productions de films ou de séries. Céline, qui apprécie particulièrement ce mode de fonctionnement, ajoute que « chaque regard, chaque savoir-faire, chaque idée peut enrichir le projet final et c’est ce qui fait la force des rencontres ».
Elle est particulièrement attachée à ces rencontres et au dialogue avec les réalisateurs avant de se lancer dans un projet. Que les projets lui parlent et elle pourra alors faire le grand écart entre Le Grand Méchant RenardetFunan, entre différents personnages à défendre et des rôles à distribuer. Mais elle restera toujours attirée par des projets et des réalisateurs qui ne vont pas vers la facilité.

Celle qui a eu pour héroïnes Flora Tristan, Alice Guy et les héroïnes de Murakami et qui a travaillé avec Perrette Pradier (comédienne et célèbre voix du doublage) vise à poursuivre sa route avec des femmes brillantes et indépendantes qui font équipe avec des hommes ouverts. Transformer le fantasme d’un.e réalisateur-trice en réalité, travailler ensemble et être des artisans de l’image résument le rôle essentiel d’une direction d’acteurs et d’une femme comme Céline Ronté qui cherche toujours à peaufiner jusqu’au bout pour porter le film au plus haut. Le tout dans la bonne humeur et le partage. Pas le temps de s’ennuyer, Céline a trop à donner…

Valériane Cariou

Portrait – Céline Ronté par Valériane Cariou