En 2025, l’association Les Femmes s’Animent fête ses 10 ans.
Véronique Encrenaz, la directrice du MIFA (Marché International du Film d’Animation), nous accompagne, nous soutient et nous encourage depuis le 1er jour ; elle est un des rouages essentiels à nos actions lors du festival. Pour cet anniversaire, son portrait s’impose comme une évidence.
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Passionnée par les langues, Véronique se destinait à la traduction mais ce métier très solitaire ne lui correspond finalement pas. Elle aime voyager, elle aime les rencontres, ce n’est pas dans sa nature de travailler seule. Grâce à une petite annonce, elle intègre Président Films, société de vente de films à l’étranger, auprès de Jacques-Eric Strauss avec qui elle découvre le monde du cinéma. Elle y reste 13 ans.
« Il avait une incroyable capacité à créer du lien. J’ai beaucoup appris auprès de lui et gardé l’importance de la relation à l’autre pour travailler en confiance et en transparence. C’est la clé de tout. »
Quand la société est vendue à France Télévisions Distribution, elle y reste deux ans avant de décider de quitter Paris et de s’installer avec sa famille à Annecy.
Piquée par le virus du cinéma, c’est tout naturellement qu’elle frappe à la porte du festival d’Annecy et propose ses services en tant que bénévole.
En 2003, la situation financière du marché du film est très préoccupante et l’équipe doit faire de grosses coupes budgétaires. Est décidé, entre autres, de se passer de climatisation sous les tentes. Pas de chance, c’est l’année de la canicule et tout le monde déserte le marché en raison de la chaleur suffocante ! « Inutile de dire que l’année suivante, en 2004, c’était la cata. Personne ne voulait revenir.” dit-elle en rigolant. Si le marché ne fonctionne pas mieux, le CNC menace même de réduire les financements. Malgré quelques fidèles qui restent à bord, l’avenir du MIFA est plus qu’incertain.
Michaël Marin, responsable du développement commercial du Mifa à ce moment-là (et aujourd’hui directeur général de Citia) la remarque pour son expérience passée chez Président Films, et lui propose en 2005 de rejoindre l’équipe du MIFA. Ensemble, ils réfléchissent à comment restructurer et rendre plus attractif le marché. Ils prennent leur bâton de pèlerin pour reconquérir les sociétés et institutions qui doutaient de la pertinence d’un marché du film à Annecy. :
« il fallait les convaincre que le marché était LE bon endroit pour rencontrer des partenaires, présenter des projets, les vendre, monter des coproductions. Petit à petit, année après année, nous avons reconquis la confiance des acteurs décisifs en proposant de nouveaux espaces dédiés aux nouvelles techniques, la VR, le jeu vidéo et l’IA, le développement des pitchs, des masterclasses, des sessions de recrutement pour rencontrer de nouveaux talents, de nouveaux lieux de rencontres comme le Mifa Campus destinés aux étudiant.es, … »
Aujourd’hui, les responsables d’acquisition des chaînes, des plateformes et des sociétés de distribution sont invités par le MIFA et attirent par conséquent de plus en plus de sociétés de production françaises et étrangères favorisant le développement de la coproduction. Autant de briques qui, année après année, ont contribué à en faire un lieu incontournable. « car un marché qui stagne, c’est un marché moribond. Il ne faut jamais se reposer sur ses lauriers et nous sommes obligés de toujours avoir une vision à 2/3 ans. »
Entre deux éditions, Véronique se rend dans différents festivals et différents pays pour mettre en place de nouveaux partenariats ou maintenir les existants. C’est ainsi que se développent par exemple les « pitchs partenaires » qui permettent à ceux qui ne sont pas sélectionnés ainsi qu’à d’autres pays, de venir pitcher leurs projets devant une audience professionnelle pendant la semaine du festival.
C’est grâce à cela que nous nous sommes retrouvées sur les festivals d’Animarkt à Lotz et de Ventana Sur à Buenos Aires et j’ai vu combien les gens aiment Véronique, son regard, sa bienveillance et sa capacité de contact.
La crise n’a pas vraiment affecté le Mifa et certains pays d’Europe viennent de plus en plus nombreux, prennent de plus gros stands et montrent plus de contenus. Le marché grossit également avec l’Afrique qui arrive et l’Asie qui est encore plus présente. Il y a plus de 110 pays présents sur le marché.
“La bulle du Covid était anormale. Il n’y avait plus que l’animation qui marchait. Tout le monde voulait faire de l’animation ! Il fallait fournir, fournir, fournir. Puis la bulle a éclaté. Cela a malheureusement causé beaucoup de dégâts dans les studios. La France a été particulièrement touchée car c’est le plus gros fabricant d’animation. On ne reviendra plus au même niveau qu’avant, mais on aspire à retrouver une situation pérenne. Il va falloir se réadapter. Les chaînes et les plateformes vont petit à petit avoir épuisé leurs contenus et je pense qu’elles vont être obligées de commander de nouveaux programmes. On espère que 2026 sera l’année où le marché redémarre vraiment.”
Véronique est très concernée par la place des femmes et le sujet de la parité dans l’animation. « Dans les sélections au festival, il est difficile d’atteindre la parité car les œuvres sont choisies pour leur qualité. Peu importe qu’elles soient réalisées par des femmes ou des hommes. Notre levier est de pousser les femmes à présenter leurs projets, à se rendre plus visibles. Par contre, dans la sélection de projets pour les pitchs MIFA, la parité est un peu plus facile à atteindre car on est au tout début des projets. Cette année, [2025] nous avons la parité parfaite sur l’ensemble des projets sélectionnés, avec des disparités selon le format : plus de femmes en documentaire, plus de femmes en courts-métrages, parité sur les longs-métrages mais pas sur les séries. Ceci est très variable d’une année sur l’autre car en 2024, c’était l’inverse pour les longs et séries. Pour les conférences et les rencontres, la parité dans les intervenant·es est imposée. Pas toujours évident sur des sujets autour de la tech ou des VFX majoritairement masculins. On doit alors trouver des intervenantes qui ont souvent moins envie ou ne sentent pas capables d’être au-devant de la scène, alors qu’elles s’avèrent parfaites ! »
Les Femmes s’Animent a été créé à Annecy en 2015.
La prise de conscience avait déjà eu lieu aux Etats-Unis avec Women in Animation et Michaël Marin avait alors souhaité se rapprocher des deux associations. En 2016, le MIFA a offert aux associations de femmes, une tribune d’une journée, le Women Summit, qui propose des conférences et des tables rondes sur les sujets de la parité, de la représentation, du futur de l’animation…
En 2024, Véronique a permis à LFA d’organiser en partenariat avec le Lab-Femmes de Cinéma, un atelier de réflexion sur la place des femmes dans l’animation en Europe. Une première pierre même si les chiffres manquent encore. « Cette année [2025], l’Observatoire Européen sera présent au festival pour rendre compte des chiffres sur le long-métrage. Nous aimerions publier également une étude sur les séries d’ici deux ans. Il faut profiter des 10 ans de LFA et des 40 ans du festival pour proposer plus d’actions.”
Cela fait 20 ans que Véronique Encrenaz travaille au MIFA et elle aime toujours autant son métier.
» J’aime la relation aux autres, j’aime le fait de revoir chaque année des gens avec qui on a tissé des liens. C’est formidable. Je ne suis pas une bavarde, j’aime plutôt écouter. J’aime écouter les besoins des gens, des professionnel·les pour mieux les accompagner et leur proposer de nouvelles actions. Et je suis toujours épatée de voir que l’équipe du marché est toujours partante pour réfléchir et continuer à améliorer l’édifice. Je crois que si j’ai cette passion pour mon travail, c’est également que je vois ce que cela apporte de positif de voir tous ces films aboutis. Cela représente un tel travail de faire un film qu’au MIFA, on est toujours enthousiastes pour accompagner à la fois l’industrie, les professionnels et les créateurs en étant présents à tous les niveaux et sur toutes les techniques. »