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Sculptrice depuis adolescente, c’est avec son autre talent, le dessin, que Valérie Hadida s’est faite une place dans l’animation. Après avoir dessiné pour de nombreuses séries et longs métrages animés (« Les aventures de Tintin », « Chasseurs de Dragons » etc.) elle partage désormais son temps entre ses créations personnelles et son travail dans l’animation. Pour l’association Les Femmes s’Animent, elle a accepté de revenir sur son parcours et les liens qui unissent l’animation au monde artistique.  Portrait réalisé par Pierre Tubiana.

Comment êtes-vous entrée dans le monde l’animation ?

Mon entrée dans le monde de l’animation s’est réalisée grâce à des rencontres. Depuis longtemps, je savais que je voulais vivre du dessin, mais comment concrétiser cela ?  Peut-être en réalisant des illustrations …

Avant tout mes parents m’ont ouvert à l’art. Ma mère et mon père me donnaient un pain de terre ou un bloc de plâtre et on s’amusait à le sculpter. Mais ils ne m’ont jamais encouragé dans cette voie. Au contraire, ma mère préférait que je m’engage vers un métier plus structuré comme professeur de dessin. Une vocation que j’ai gardé longtemps mais qui ne me correspondait pas du tout.

J’ai donc fait une école d’illustration et de publicité sans savoir à quoi j’étais destinée et je me suis rendue compte ainsi que la publicité ne me fascinait pas. C’est vraiment par hasard que j’ai rencontré un animateur qui travaillait sur Astérix. A l’époque, il n’y avait pas les grandes écoles comme les Gobelins et le dessin animé en France ne représentait rien. Pour moi, l’animation c’était Walt Disney et les États-Unis mais je ne voulais pas aller là-bas !

Cet animateur m’a fait un cours sur l’animation. Il m’a transmis les principes et partager les adresses de plusieurs sociétés. J’y suis allée avec mes dessins et le jour même j’étais embauchée ! C’était sur la série Sharky et Georges. Avec le recul, je me suis rendu compte que cette  série était moyenne mais j’ai rencontré des gens extraordinaires et appris le métier sur le terrain pendant un an.

Après Sharky et Georges, un copain qui travaillait pour les studios Ellipse, partait en vacances, et avait besoin d’assistants pour Babar. C’est ainsi que je me suis retrouvée à travailler sur cette série, puis quelques mois plus tard pour Tintin (ndlr : Les aventures de Tintin).

En travaillant sur Tintin  j’ai découvert comment faire une amorce de création. Le plus compliqué, a été de s’immerger dans le style d’Hergé. Il fallait dessiner d’une manière réaliste et en même temps garder cette ligne fluide continue alors que j’ai une ligne plutôt cassante. Il fallait s’approprier le style et le régurgiter ensuite. C’était génial comme expérience !

C’est aussi avec Tintin que j’ai fait mes premières créations de personnages. Dans cette série, la production voulait introduire le personnage d’Hergé dans tous les épisodes comme dans Où est Charlie ?  il fallait ensuite le trouver au milieu des décors et autres personnages ! Je me suis vraiment amusée à caricaturer Hergé. Dans l’épisode l’Oreille Cassée, ou dans l’album initial l’auteur évoque les indiens d’Amazonie qui n’apparaissent pas, j’ai pu créer quelques indiens et j’ai adoré ça.

J’ai ensuite sur la production d’Orson et Olivia rencontré Philippe Grimond, qui dirigeait à ce moment les studios Ellipse. Il avait envie de faire de la création. Pour autant, cette série était aussi adaptée d’une licence mais on a pu tout réinventer. Ce qui est l’un de mes meilleurs souvenirs de prod.

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Artwork du long-métrage « Chasseur de dragons »

Lorsque vous êtes arrivée dans l’univers du dessin animé, vous vous sentiez déjà artiste ?

Non, pas encore. Je défendais le dessin et je voulais en faire mon métier. A côté, je faisais de la sculpture depuis l’âge de quinze ans mais c’était mon univers secret. J’ai eu une prof extraordinaire, Marielle Polska. Elle m’a emmenée dans des fonderies, des marbreries, aux ateliers du Louvre…j’ai tout appris à son contact ! Elle m’a enseignée à regarder un modèle, à détruire la terre, à dépasser mes limites.

Le samedi, au lieu de sortir avec les amis ou faire les boutiques, c’était ma journée sculpture. Ma journée avec Marielle Polska. C’était une femme extraordinaire, je l’ai suivie pendant sept ans. Je voulais avoir la même vie qu’elle !

Comme beaucoup de femmes je suis rentrée par les petites portes. A cette époque, nous n’étions pas nombreuses dans l’animation. On trouvait les femmes à la couleur, elles étaient assistantes, mais pas aux postes à responsabilités. Pour autant, je n’ai jamais eu de problème, sans doute à cause de mon caractère ! Ce n’est pas uniquement relatif aux femmes d’ailleurs. Dans mes premiers boulots d’animation, j’ai rencontré un postier, un mineur, des gens de différents milieux, différentes conditions humaines. On était des gamins obnubilés par le dessin animé ! C’est le dessin qui nous réunissait.

Imaginiez-vous un jour pouvoir faire de votre travail d’artiste votre carrière ? A quelle moment vous êtes vous sentie artiste ?

 Non, au début ce qui important à 20 ans c’était de quitter le nid familial et de trouver un travail avant tout pour être indépendant. Ce n’est qu’ensuite que j’ai trouvé ma vocation d’artiste et ce que je souhaitais faire pour gagner ma vie. J’ai appris ainsi par hasard le métier de l’animation… Aujourd’hui ma spécialité est d’adapter des personnages de BD ou de les créer. C’est ma fonction et j’adore ça !

Être artiste c’est d’être libre et de gagner sa vie avec ; c’est donc ce que je fais actuellement partager mon temps entre l’animation et la sculpture.

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Sculpture « Les petites soeurs »

Avec le recul, ne considérez-vous pas avoir été artiste dès vos débuts ?

 Je n’ai pas fait ce cheminement. J’étais très jeune et assez innocente et je pense qu’il y a beaucoup de femmes qui comme moi n’ont pas osé se mettre en avant. C’est l’expérience de la vie qui vous mène à verbaliser les choses.

Je suis d’abord dessinatrice et donc artiste. Cela vient progressivement il faut prendre confiance en soi. Quand j’ai eu besoin de montrer mes sculptures je me suis rendue compte que le regard des gens sur mes œuvres était à l’opposé de ce que j’imaginais !! Les gens m’encourageaient, réagissaient et c’est la meilleure des écoles. Quand le regard des autres vous porte, c’est pour ça qu’on continue, qu’on insiste, qu’on essaye.

Repères chronologiques

1965 : Naissance à Villeneuve Saint-Georges

1984 : Début de l’atelier de Sculpture avec Marrielle Polska

1985 : Première exposition

1989 : Intègre le studio Typhoon (« Sharky et Georges »)

1990 : Intègre le studio Ellipse (« Babar »)

1997 : Adaptation cinématographique des costumes du film « Astérix et Obélix » de Claude Zidi

2004 : Character designer pour « Chasseur de Dragons »

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Sculpture « Aurore »

Vous pouvez retrouver le travail de Valérie HADIDA à la galerie « Matière d’Art », 2 rue de Franche Comté, 75003 PARIS

Portraits de femmes : Rencontre avec Valérie Hadida par Pierre Tubiana