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Marie de Banville – Directrice d’écriture et Scénariste

    En 2024, deux SANIs, Série Animée Non Identifiée déferlent sur nos écrans. Tobie Lolness et Petite Casbah ! L’ambition est titanesque sur les deux projets : le premier dans un style aquarelle veut adapter l’épopée, en très long feuilleton, du roman éponyme de Timothée de Fombelle. Le second est une série familiale qui narre l’arrivée d’une enfant des montagnes à Alger, en 1955, alors que gronde la guerre d’Algérie.

    Quelles sont les plumes derrière ces propositions extraordinaires ?

    La réponse nous conduit à la rencontre d’une professionnelle hors pair. Scénariste à l’humour déjanté, aficionada des projets d’envergure, directrice d’écriture d’exception, voici le portrait de Marie de Banville.

     


    Marie de Banville, des racines littéraires et un regard sociologique 

    Marie de Banville grandit près de Saint-Etienne entre des colonnes de bouquins pour enfants. Sa mère, poète et formatrice à l’Ecole Normale d’Instituteurs en possède des caisses qui s’éparpillent dans la maison. Ces albums développent sa curiosité.

    Loin du monde de l’animation, les graines qui nourrissent sa sensibilité sont déjà plantées. Marie cultive son goût pour la lecture et l’illustration jeunesse, et aiguise son œil sur les rapports sociaux. 

    Attirée par le monde qui l’entoure, influencée par son père chercheur en socio-économie, elle se forme à la réalisation documentaire à l’ESAV, une école autogérée toulousaine. Son premier film s’inscrit dans le réel. Dans      “Perruque, bricole et compagnie”, la réalisatrice met en lumière une pratique ouvrière : “faire de la perruque, c’est détourner des outils de travail pour fabriquer des choses pour soi, durant son temps de travail. Cette pratique clandestine est en réalité une caisse de résonances, sociologiques, artistiques et de revanche sociale ”.

    “Perruque, bricole et compagnie” © Marie de banville

    Ce regard sur le monde s’avère précieux dans le développement de Petite Casbah … mais il est encore trop tôt pour en parler. Il faut d’abord comprendre comment Marie atterrit dans l’animation…

    Après ses études, Marie trouve un travail dans un studio de post-production. Elle fait le montage de voix déjà enregistrées pour une série de dessin animé. “J’y ai acquis le jargon et les connaissances du biotope de l’animation, qui m’ont permis de travailler ensuite en production.” Très douée pour monter les dossiers et coordonner le développement, Marie travaille quelques mois comme assistante de production chez Millimages, puis pour diverses missions de production, y compris pour des films institutionnels ou du documentaire.

    En 2001, une rencontre décisive marque son parcours.

     


    Marie de Banville, au premier plan des projets ambitieux et uniques

    Par une amie, Marie apprend qu’une “personnalité forte de la production” recherche une assistante : il s’agit de Dora Benousilio, fondatrice de la société de production Les films de l’Arlequin. Productrice visionnaire, Dora Benousilio finit alors la série de dessin animé au principe alors inédit : les adaptations fidèles des albums des Belles histoire de Pomme d’Api. Sous forme d’une collection*, le projet mêle des récits variés au sein d’un même projet d’animation. Au sein des Films de l’Arlequin, Marie est en charge de lire des romans jeunesse pour choisir les huit spéciaux de la collection intitulée Les grands textes de l’Enfance. Cela lui permet de côtoyer des auteurs et réalisateurs quand la collection entre en production. Verte, Cheval Soleil, Catfish Blues ou encore L’oeil du loup… et autres perles de la littérature jeunesse. “Cette expérience de l’adaptation d’univers singuliers résonne bien sûr avec Petite Casbah, Tobie Lolness, ou La rivière à l’envers sur lesquels j’ai travaillé ensuite »

    Inattendue, l’occasion d’écrire se présente lorsque Marie tombe enceinte et que Dora ne veut pas se séparer d’une alliée si précieuse. Elle lui propose d’écrire des scénarios pour Une minute au Musée, le nouveau projet de série qu’elle lance avec Je suis bien content et la Réunion des Musées Nationaux. Signant sept épisodes, la scénariste est lancée. Elle se perfectionne en co-écrivant sur de grands projets de série de fiction notamment Qui Pro Quo ou Térranova, récompensés au Fond d’Aide à l’Innovation (FAI**). Puis elle se recentre sur l’animation. Son réseau développé à Millimages l’aide considérablement à travailler. Elle écrit sur une quinzaine de séries allant de T’choupi à Mandarine and Cow ou encore Les Crumpets***.

    Dans cette dernière série unique en son genre, elle développe un humour débridé, en vogue à la télévision. « [Les Crumpets est] une série qui met en scène une grand-mère mythomane qui  raconte avoir fait des braquages, avoir pris de la drogue. Les parents sont eux aussi complètement barrés. La dernière série 12-14 ans à la télé, l’ultime écho de l’esprit Canal !». Mais surtout, après avoir finalisé le développement, la société 4.21 propose à Marie d’assurer la direction d’écriture de la série.

    * Concept de collection repris aujourd’hui dans La Cabane à Histoire (produit par Dandelooo et Caribara Production, réalisé par Célia Rivière) ; 
    ou Yétili (produit par Darjeeling, créé par Séverine Gégauff-Lebrun). 
    ** Récompense sélective du CNC.
    *** L’un des enjeux d’écriture sur Crumpets est la panoplie de personnages : la famille se compose de 142 enfants. Avec Nadège Girardot, son binôme de longue date, Marie de Banville écrit plusieurs épisodes de développement pour incarner la bible et aider les scénaristes à s’imprégner rapidement de l’univers. 

    Un moment charnière. Après des années de collaborations intenses, belles, complexes, toxiques, riches, distantes, ou épanouissantes, elle mesure les défis managériaux du milieu. Comment assurer un cadre stimulant la créativité, dans un processus de développement fluide ? La question n’est pas simple. 

    Heureusement, elle se l’est posée peu avant : sentant qu’elle a envie de superviser des équipes de scénaristes, elle s’est formée au coaching. Grâce à ces outils de management d’équipes, elle optimise les décisions à chaque étape, intégrant notamment le réalisateur en amont pour garantir une vision cohérente. Son approche porte ses fruits : elle sera la directrice d’écriture des Crumpets, durant trois saisons.

    Comme tout parcours, celui de Marie se compose aussi de projets qui ne lui correspondent plus et de coups de foudre.

    En 2019, elle en a même deux ! Après des années à s’investir dans des projets qui lui ressemblent de plus en plus, voilà que deux séries qui lui collent parfaitement à la peau, viennent naturellement à sa rencontre !

     


    Tobie Lolness et Petite casbah, deux projets magiques

    Tobie Lolness est une série hors norme dans l’animation jeunesse : fresque très dense, feuilletonnante, ambitieuse.

    Avec Anne-Claire Lehembre, future directrice littéraire de la série, Marie conçoit la bible, avec ses arches, ses thématiques qui structurent les épisodes. Le voyage de notre héros est jonché d’étapes : l’éveil, le deuil, l’altérité… qu’il faut traiter avec subtilité. Ces secrets de fabrication nourrissent le plaisir d’écrire de Marie qui puise dedans le sens de l’histoire. Elle se réjouit de développer des récits « éducatifs ». L’animation jeunesse intelligente, c’est son créneau !

    Mais « le projet de sa vie » c’est bien Petite Casbah !

    Pourquoi ? Parce qu’il y a une règle quand on travaille : « Projet, équipe, argent. Il faut au moins se retrouver dans deux… Et là, il y a les trois !». 

    L’équipe de production a une vision claire de la série : Darjeeling contacte Alice Zeniter pour qu’elle conçoive une série jeunesse avec, pour cadre, la guerre d’Algérie, destinée à un public familial. L’écrivaine, accompagnée d’Alice Carré, metteuse en scène, construit une première bible originale, touchante, politique, qui promet une série inédite. Marie de Banville et Jean Regnaud sont alors appelés pour co-diriger l’écriture : « Il y avait tout, mais pas forcément dans l’ordre ou dans le rythme.» Les arches narratives et le comique des personnages sont retravaillés avec les autrices. Puis, occupées par leurs passions respectives, les Alice laissent Marie écrire les épisodes, tandis que Jean Régnaud conserve la direction d’écriture.

    Portée par une équipe soudée, une même barque pour tous les acteurs de l’aventure, et une direction d’écriture affirmée, “Petite Casbah” trouve sa cohérence et un équilibre précieux, là où de nombreux projets tanguent sous le poids d’un sujet sensible, de conflits internes ou d’un manque de vision commune. La série voit le jour en 2024 sur FranceTV et Okoo. 

    Marie maîtrise l’art de transformer des idées ambitieuses en de belles histoires, alliant créativité et rigueur. Son talent réside dans sa capacité à guider des équipes et à structurer des récits complexes tout en conservant leur essence. À travers son travail, elle prouve que l’animation peut être un terrain d’expérimentations audacieuses.


    Marie de Banville contribue à ouvrir la voie vers un renouveau créatif dans l’animation jeunesse qui résonne avec son époque.

     


     

    > BONUS :

    Ses séries coups de cœur

    • Les Grandes Grandes Vacances : « Une référence en animation jeunesse, intelligente et ancrée dans un très bel univers. »
    • Partie de campagne : « J’ai adoré travailler dessus ! Une série originale et un peu décalée, avec des personnages réalistes post-Covid : des parents qui se séparent, une maman célibataire vivant dans une yourte…Très contemporain ! »
    • La Mesias (fiction) : « Un regard puissant sur le rapport à une mère toxique. »

    Ses conseils aux jeunes scénaristes

    • Se demander si ce métier est fait pour soi : « C’est un métier risqué, long et laborieux, sans star system. Il peut se passer des années entre l’écriture et la diffusion… “Même avec Tobie et Petite Casbah, je ne suis pas sous les projecteurs ! »
    • S’engager dès le début vers ce qui nous parle vraiment : « [l’Animation] fonctionne par grandes familles, mieux vaut aller vers ce qu’on aime, ce qui nous transporte, dès le départ, pour évoluer dans le sillon qui nous épanouit.»

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