Chez Mikros Animation, c’est la recette de la potion magique qu’ils ont trouvée ! En effet, après le premier long métrage Astérix et le Domaine des Dieux, le studio – qui gère le design ou la 3D de très grands producteurs comme Dreamworks ou Paramount – poursuit la production exécutive avec M6 sur le deuxième long métrage d’Alexandre Astier et Louis Clichy, Astérix : le secret de la potion magique.
Avec ce projet, c’est tout un changement d’échelle qui s’opère au sein du studio et il est plus que réconfortant de constater que des femmes y aient joué un rôle important. Rencontre avec des femmes engagées qui dévoilent les coulisses du studio français qui n’en finit plus de faire parler de lui.
La grande innovation sur Astérix, c’est l’équipe féminine ! En effet, pour accompagner les deux réalisateurs Louis Clichy et Alexandre Astier, ce sont deux femmes d’exception que Mikros a choisi : Marion Bayard (line producer) et Stéphanie Aubriot (CG supervisor).
Mikros Animation (filiale de Mikros Image, société du groupe Technicolor) dispose de trois sites à Montréal, Paris et Londres, un des objectifs étant de conserver une taille humaine dans chaque lieu tout en étant proche des clients. Le choix a été fait de ne pas adopter un style propre, au contraire d’autres studios d’animation : le but est d’adapter la patte graphique à chaque projet et réalisateur. Cette volonté se reflète d’ailleurs parfaitement dans les projets du studio (Le Petit Prince, Captaine Superslip, Astérix – Le Secret de la Potion Magique…), qui ont chacun leur identité visuelle propre.
Pour Astérix : Le secret de la potion magique, le défi était de taille : pas d’adaptation, mais une création totale qui pouvait certes libérer la créativité des réalisateurs et des équipes de fabrication mais qui impliquait aussi beaucoup de contraintes. Un scénario très riche en voyages et donc en décors, un nombre de plans en forte hausse (1400 contre 1050 pour le premier volet Le domaine des Dieux) et l’adoption du format 2:35:1. En outre, le réalisateur Louis Clichy souhaitait pour ce second volet, un retour au style 2D très proche de la bande dessinée.
De gauche à droite : Marion Bayard, Stéphanie Aubriot
Une formation pluridisciplinaire et des stages indispensables
Pour Marion Bayard qui est arrivée chez Mikros alors que le travail sur Astérix venait tout juste de commencer, le défi était de taille. Elle a démarré comme production manager, puis a rapidement remplacé la directrice de production. Comme elle l’exprime avec une simplicité biblique, Mikros lui « a fait confiance tout simplement car elle avait fait ses preuves sur Sherlock Gnomes et Capitaine Superslip ».
Sa carrière a démarré par des études en LEA (Langues étrangères appliquées) en anglais et japonais. Au bout de quelques mois, Marion a changé de voie et a choisi d’étudier l’animation au sein de l’IIM qui proposait une formation globale avec graphisme et production – celle qui adorait être sur son ordinateur et en faisait son passe-temps a envisagé d’en faire un métier ! À une époque où l’animation 3D était encore méconnue, Marion jubile et sort diplômée avec des compétences multiples et une spécialisation en 3D. Plutôt que de choisir une entreprise pour son stage de fin d’étude, Marion décide de choisir deux entreprises et deux postes différents pour capitaliser sur ces mois très formateurs et décider vers quel domaine s’orienter. Elle arrive donc chez Cube Creative en tant qu’animatrice puis Chez Eddy en tant qu’assistante chargée de production. Elle fera un autre stage chez Marathon média à l’issue duquel Marion se voit offrir un CDI pour revenir Chez Eddy! Elle y acquiert alors une expérience formatrice dans le court-métrage et la publicité. Si le stress pouvait être au rendez-vous, elle reconnait que cette expérience l’a rendue plus forte ! Après avoir quitté Chez Eddy, Marion passe un entretien chez Mikros pour remplacer une assistante de production et pouvoir travailler sur des projets sur lesquels elle verrait un personnage se développer. Dès lors, les projets, comme Capitaine Superslip, s’enchainent et lui permettent de faire évoluer sa carrière : elle devient production manager et découvre le long métrage d’animation !
En choisissant une formation double, Marion a su convaincre Mikros de lui confier de grands projets – elle s’y connait en animation et en production et sur des projets de longue haleine c’est un atout pour parler le même langage que tous les membres de l’équipe. En outre, Marion n’a jamais, en production, eu à déplorer trop de réactions trop genrée, ce qui est très différent en graphisme…
L’image comme une évidence
Afin de répondre aux exigences de la production du film Astérix : Le secret de la potion magique, Mikros image a mobilisé une communauté de talents de graphistes 2D/3D, composée notamment de décorateurs, de matte painters, et de spécialistes des SFX pour animer et finaliser, ce premier long métrage du studio. Stéphanie Aubriot a eu la lourde tâche d’encadrer tous les aspects de production CG de ce film, c’est d’ailleurs la 1ère femme à être CG supervisor sur un long !
Stéphanie a eu l’occasion de livrer tous les secrets de sa potion magique lors du dernier festival d’Annecy. Elle qui voulait travailler dans l’animation depuis l’enfance a eu un parcours assez classique avec un passage en fac d’arts plastiques, une spécialisation 3D avec un DESS images de synthèses, 5 mois de stage et un emploi à la clé. Elle a enchainé avec les effets spéciaux, la publicité et les films d’animation.
« L’image a tout de suite été une évidence »
Reste que Stéphanie a ressenti dès le début de sa carrière une difficulté très genrée – « l’ambiance était très testostéronée et le premier job très difficile à décrocher ». Une fois le premier poste obtenu en tant que graphiste, les choses ont avancé ; mais la question du genre s’est à nouveau imposée quand elle a voulu évoluer professionnellement. Stéphanie constate, avec joie, que les choses ont grandement évolué depuis ! Plus le nombre de femmes intégrées aux studios et aux projets augmente, moins l’ambiance est lourde et graveleuse.
Les femmes d’Astérix
Stéphanie a travaillé sur les deux films, Marion est arrivée pour le second. Les équipes se sont féminisées de 17% pour le premier film à plus de 30% pour le second en animation ; en production, l’équipe était majoritairement féminine à chaque fois ! Plus que la féminisation, la vraie évolution est de constater que certains postes ont été confiés à des femmes ce qui n’avait jamais été fait avant pour un long métrage ! Astérix, c’est une femme CG supervisor, une femme directrice d’animation, une femme superviseur compositing et une femme directrice de production – pour la première fois, une partie de l’encadrement était féminin !
« Avoir Stéphanie, en première CG supervisor et les autres femmes en top management m’a aidé à la production, ne pas être la seule femme était rassurant pour un projet d’une telle ampleur. »
Humainement l’expérience a été extrêmement bien vécue, et jamais les femmes d’Astérix n’ont eu à souffrir de leur genre ! Leurs points de vue et leurs compétences ont été reconnus et ont permis de développer un projet de groupe.
« Uderzo était en confiance et nous avons pu réaliser le film et relever tous les challenges dans une confiance mutuelle »
La réalisation de ce film s’est faite sans filtre : la CG sup pouvait donner son avis et transmettre ses idées sans passer par un superviseur homme avant de les voir discutés ! Les femmes ont ici été impliquées dans toutes les réunions techniques et l’avis de chacun.e a été écouté et considéré ! Sur les 19 mois de production, il a fallu apprendre à travailler tous ensemble avec une équipe qui comptait jusqu’à 180 artistes.
Leurs conseils
Mikros est une entreprise qui reconnait les talents et mise sur le renouvèlement constant, et les formats variés.
Pour ce qui est de la question des femmes, il demeure aujourd’hui un paradoxe : les femmes sont nombreuses dans les écoles, mais lors des annonces et des entretiens que peuvent mener Marion et Stéphanie chez Mikros, elles ne retrouvent pas ce ratio ! Sur Sherlock, Stéphanie a eu une équipe technique de 30 personnes et n’a pu intégrer que 4 filles – alors qu’elle a, au vu de leurs compétences, embauché toutes les filles qui se sont présentées !
Les filles doutent encore beaucoup et attendent qu’on leur propose des postes à responsabilités si elles le méritent. Marion s’est vu, quant à elle, proposer des postes variés et avec des employeurs qui lui ont fait confiance pour la direction de prod ! Son prochain challenge est d’ailleurs de devenir directrice des productions – Mikros a su la convaincre qu’elle en était parfaitement capable ! Il faudrait parvenir à multiplier ce management vertueux qui croit en la compétence et pousse les gens à accepter des postes de lead sans même que cela ait été exprimé – c’est encore assez rare…
En guise de conclusion, leur souhait pourrait être que seule la bande démo et la motivation doivent désormais compter pour intégrer et évoluer au sein d’un studio !
Un article de Valériane Cariou
pour Les Femmes s’Animent