Marie Chevalot, directrice de plateau et comédienne – par Clémentine Faure

 

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Marie Chevalot

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“J’ai la chance inouïe d’exercer mon métier passion et d’incarner toutes ces femmes que je ne suis pas, mais que je suis un peu quand même.”

 

 

Après avoir reporté notre rencontre à cause d’une grippe fatidique, j’ai fini par réussir à rencontrer Marie Chevalot à la fin de l’année dernière. Une belle rencontre pour clore l’année ! Marie est une femme inspirante, honnête et travailleuse. Alors que je trouvais le milieu des comédien.nes bien mystérieux, elle m’a aidée à y voir plus clair en me racontant son parcours. 

Marie a su très vite ce qui la passionnait et ce qu’elle voulait faire de sa vie : jouer et embrasser une carrière artistique. Elle a découvert cela par un prisme pour le moins original. 

Marie grandit à Paris et à 11 ans, déménage à la campagne. Elle y pratique l’équitation de manière intensive au point de participer à 12 ans à son 1er spectacle, sur la place du village avec une troupe de cavaliers et de voltigeurs. C’était tellement novateur que 2000 personnes se sont déplacées pour voir le spectacle. C’est à ce moment que j’ai eu la révélation.” Cette première rencontre avec un public de la sorte est pour elle un choc et c’est à ce moment que Marie a su ce qu’elle voulait faire : comédienne. Elle a vite eu conscience que les chevaux allaient rester quelque chose de spécial, mais plus comme un « à côté ». 

Soutenue par ses parents, Marie finit sa scolarité dans son village et le BAC en poche, à 18 ans tout juste, elle décide de quitter sa campagne pour monter à Paris avec ses rêves plein la tête. 

Elle trouve une école et commence ses premiers vrais cours de théâtre professionnels à l’école Tania Balachova. Et là, pas de chance, à peine les trois premiers mois passés, Vera Gregh sa professeure annonce la fermeture de l’école. Marie se retrouve alors à Paris sans école ni cours à suivre. Mais elle ne se laisse pas abattre, persévère et s’inscrit dans une autre école, pas encore très connue: les enfants terribles.  

 

“Et là, ça a été un choc: c’était génial. Alors que j’avais l’habitude de n’avoir que 13 heures de cours par semaine, je suis passée à un vrai suivi, avec des cours de 10h à 22h du lundi au vendredi et des répétitions le weekend. C’était du boulot, mais c’était formidable. Cette période a été fructueuse tant au niveau des rencontres que de l’apprentissage de la comédie. Ça a été une super aventure.”

 

Elle y reste 2 ans.” C’était vraiment l’apprentissage de l’art de la comédie. Un peu comme quelqu’un qui va dans un conservatoire pour jouer d’un instrument. D’abord, il apprend à s’en servir et ensuite il rencontre son style et se met vraiment à s’épanouir. “

Et à partir du moment où Marie sent qu’elle est prête à quitter l’école pour travailler, tout s’enchaîne. Comme elle me le dit si bien, le hasard fait parfois bien les choses. Elle rencontre par son entourage des comédiens prêts à lui faire découvrir le milieu du doublage. Elle les  accompagne en studio et observe comment s’y déroule un enregistrement. Elle reste en observation pendant presque 3 mois. Puis, un jour, un directeur de plateau lui propose de faire un petit rôle d’ambiance. Marie, un peu tremblotante, va à la barre et double ce personnage. Satisfait par la performance de sa comédienne, le directeur de plateau lui propose alors de revenir au studio la semaine suivante pour faire des ambiances et petits rôles. 

Petit à petit, on lui propose de plus en plus de rôles, de passages au studio. Et un jour, Marie se met à recevoir des appels de gens qu’elle ne connaît pas. Ça y est : ça marche! Son nom commence à circuler. Rapidement, elle se met à travailler sur des projets très divers, autant de la fiction live que du jeu vidéo que de l’animation, de l’audiodescription ou du documentaire. Et, de fil en aiguille, on lui offre la possibilité de faire de la direction artistique, chose qu’elle se plaît aussi à faire aujourd’hui. 

 

“Mon corps de métier, c’est surtout d’être comédienne, mais je dirige de plus en plus aussi. C’est vrai que j’aime beaucoup ça, j’ai toujours aimé la direction d’acteurs.” Un enthousiasme qui date de l’époque de l’école des Enfants Terribles.“En sortant de l’école, le plus facile était de monter des projets, parce qu’on était plusieurs à avoir la même formation. C’était facile. Il suffisait que l’un d’entre nous mette sa casquette de metteur en scène et c’était parti.”  

 

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Marie Chevalot

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Marie se compare un peu à une musicienne. Comme elle a la chance de jouer tous les jours (ou presque), cela lui permet de pratiquer, de s’entraîner, de se concentrer et se mettre dans les rôles très rapidement. Parce que pour un comédien qui fait du doublage, c’est l’immédiateté qui prime, il faut qu’elle soit dans le rôle tout de suite sans perdre de temps. 

“Ce qui est très intéressant dans le métier de comédienne quand on fait du doublage, c’est de réussir à jouer et à être sincère avec autant de contraintes imposées. Ma propre expérience de doublage m’a beaucoup aidée, aussi bien en studio que sur scène, pour être dirigée par un metteur en scène ou un réalisateur.” 

Marie reconnaît que beaucoup de comédien.nes de télévision ou de cinéma ne voient pas toujours d’un bon œil les comédien.nes de doublage. C’est comme ça qu’on les appelle et qu’on les catégorise. Elle n’est pas d’accord avec cette dénomination. Pour elle, on est comédie.ne ou on ne l’est pas. Et quand on l’est, il est simplement possible d’avoir plusieurs casquettes. 

Les comédien.nes qui font du doublage ne savent, la plupart du temps, pas pour quel rôle on va les appeler. Cela leur demande donc une grande adaptabilité, mais aussi une forte disponibilité émotionnelle et intellectuelle. Parce que oui, il est possible dans la même journée pour Marie, de jouer une psychopathe le matin et une femme ayant subie des violences l’après-midi. “C’est super intéressant. Au bout d’un moment, c’est comme si les connexions se faisaient directement dans ta mémoire émotionnelle. Instinctivement, tu sais exactement où aller chercher, avec évidemment l’aide et la direction de ton directeur artistique et de l’ingénieur du son. On parle beaucoup des comédien.nes, mais en vrai, l’équipe entière est primordiale pour que le travail soit de qualité”. 

Certains rôles peuvent être plus difficiles que d’autres. Mais c’est ce qui est bien en doublage. “Une autre super particularité du doublage, c’est la plus grande ouverture à des rôles très divers. Cela paraît évident, mais il me semblait important de le souligner”.  Comme on ne la voit pas quand elle joue, elle a la chance de jouer des rôles très divers. Grâce à sa voix, qui ne fait pas trop vieille et qui est un peu dans les médiums, elle peut correspondre à une palette d’âge et de physionomie assez large. Elle peut facilement moduler sa voix pour jouer autant une petite fille dans de l’animation pour enfants que la femme d’un Redneck. 

 

“En animation, dans le même épisode, il est possible que je joue la petite fille, puis la sorcière et la maman de la copine du personnage principal. Cela permet d’avoir toute une panoplie de personnages, c’est une expérience très riche et que je trouve absolument formidable. “

 

Pour Marie, peu importe le support (fiction live ou animation), la recette pour que cela fonctionne, c’est la sincérité. Pour elle, c’est ce qui lui permet d’être au plus proche de la vérité et au service du projet. “À mon sens, ça ne se travaille pas. Ce qui se travaille, ce sont toutes les techniques qui te permettent d’être à l’aise pour, justement, réussir à faire éclore cette sincérité et la mettre au service du projet. Mais évidemment ce n’est pas facile. Il faut oser être sincère, ne pas se cacher en fabriquant et montrer sa vulnérabilité parfois.”

Marie vise la sincérité pour défendre ses personnages (peu importe le personnage) quand elle est en studio. Mais quand sa journée est terminée, elle parvient à fermer la porte et à passer à autre chose. Quand elle sent qu’un rôle a du mal à se détacher d’elle, elle sait qu’elle peut compter sur ses proches pour se retrouver.

À la fin de notre entretien, j’ai demandé  à Marie de me raconter une expérience récente qui l’avait marquée. Elle m’a parlé du doublage dans une fiction live (Love and Death sur Canal +). Elle avait été bouleversée par le personnage qu’elle devait incarner. Ce qu’elle trouve beau dans son métier, c’est de réussir à trouver une part d’humanité dans chacun des rôles qu’elle doit jouer en trouvant par exemple de la bienveillance au fond de soi pour quelqu’un qui a pu commettre l’irréparable. 

J’ai découvert au fil de notre discussion que faire du doublage avait été pendant le Covid un métier beaucoup plus solitaire que ce que j’avais pu imaginer. En effet, Marie me racontait qu’à cette période, il n’était pas rare qu’elle soit toute seule à la barre accompagnée de sa directrice artistique et de l’ingénieur du son. Heureusement, aujourd’hui, tout est en train de se rééquilibrer et “on retrouve avec bonheur les plateaux à plusieurs”. Elle s’est plu à me dire qu’elle était sûrement un peu de la vieille école et qu’elle aimait travailler avec d’autres comédien·nes, tant pour l’énergie que cela procure que pour le partage et l’ambiance. En fait, Marie a gardé son premier amour pour le travail de groupe et le partage avec ses collaborateur·rices. 

Pour conclure notre rencontre, j’ai demandé à Marie si elle avait un dernier sujet duquel elle avait envie qu’on discute. Sans hésitation, elle a évoqué l’intelligence artificielle. Bien que nous ne soyons pas de grandes spécialistes de l’I.A., nous avons aimé en discuter pendant un long moment. Sans vouloir sombrer dans la paranoïa et la peur, c’est un sujet qui l’inquiète et qu’elle suit de près. “Je ne sais pas quand, mais l’intelligence artificielle risque de finir par remplacer les comédiens.nes.” Nous nous sommes dit que l’audiodescription serait sans doute une des premières disciplines à être remplacée par l’intelligence artificielle. 

 

“Le problème, c’est qu’on va au fur et à mesure, supprimer l’humanité si on supprime le souffle des personnages, en remplaçant les comédiens.nes par des machines. Et même si aujourd’hui, artistiquement, on se dit que ce n’est pas possible, il semble évident qu’un grand nombre de personnes va finir par l’accepter simplement à cause de l’argument économique »

 

En effet, ce sera beaucoup plus intéressant pour les productions de faire appel à une machine et de supprimer un grand nombre de postes pour obtenir (selon eux) le même résultat. Mais est-ce que cela n’engendrera pas une forme de déshumanisation et un appauvrissement de la culture et de l’art… ? 

Reste à espérer que des mesures seront prises au niveau gouvernemental pour protéger les artistes, la création mais aussi et surtout la culture.  

J’ai été absolument ravie de rencontrer Marie et qu’elle me fasse découvrir son monde et son parcours. Débordante de joie de vivre, de passion et d’entrain, Marie est une comédienne en or qui mériterait que tout le monde croise son chemin. 

 

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