Coup de Coeur LFA pour Zero Impunity


 

Focus sur le film Zero impunity… *
ou 
Quand « impunité » rime avec « crime contre l’humanité. »

 

On a beau être préparé, on sent que cela va être un film lourd à regarder. Avec des révélations dures, très dures. Ce documentaire animé « coup de poing » qui questionne l’impunité systématique dont bénéficient les auteurs de violences sexuelles en temps de guerre, signé Nicolas Blies, Stéphane Hueber‑Blies et Denis Lambert, a été projeté en nocturne, samedi 14 décembre dernier au « Carrefour du cinéma d’animation » dans le cadre du thème « politique et animation ». Une plongée dans le noir… au propre comme au figuré.


La projection est introduite avec émotion par Eleanor Coleman, distributrice du film et par ailleurs, l’une des fondatrices des « Femmes s’animent » : « J’ai découvert cet ovni au sein de la commission nouveau média du CNC, dans le cadre de mon travail où je fais des acquisitions et des coproductions avec le vendeur international Indie Sales et j’ai tout de suite adoré ce projet sur dossier. »

Zero Impunity, c’est d’abord six reportages de journalistes françaises qui témoignent de l’utilisation des violences sexuelles comme arme de guerre. Des reportages, qui ont ensuite été édités dans les journaux essentiellement digitaux mais également papiers : « Les articles ont été lus par plus d’1 million de personnes ! » se félicite Eleanor. Zero impunity est devenu un mouvement numérique rassemblant de plus en plus de gens, incités à signer des pétitions, à créer des « avatars » qui sont projetés sur des bâtiments gouvernementaux en Europe et aux États-Unis. Ces visages de femmes et d’hommes d’un peu partout, prostrés ou mimant des gestes de paix – certes un poil forcés et appuyés – mais qui témoignent avec efficacité de la colère face à ces crimes sexuels restés impunis. Et c’est ainsi que, médusés dans notre fauteuil, nous « voyageons », pendant plus d’1h30, ou plutôt nous descendons aux enfers dans une alternance d’images réelles et d’animations.

Nous découvrons le calvaire de Nora, une fillette de 11 ans kidnappée 40 jours dans la Syrie de Bachar el Assad, piquée aux hormones pour devenir « femme », puis violée à plusieurs reprises. Puis celui d’une jeune Ukrainienne du Donbass, arrêtée à la frontière russe et violée elle aussi par un militaire. Escale également à  à Guantanamo, particulièrement éprouvante, où certains détenus étaient torturés sexuellement tous les jours. Des exactions dont les Etats-Unis et le CIA avaient non seulement connaissance, mais encourageaient, des médecins étant même spécialement formés pour le « programme ». Voyage en Centrafrique enfin, dans le camp de Bangui, où les violences sexuelles se traduisent par une prostitution de survie. Là ce sont les abus de pouvoir de l’ONU qui sont en ligne de mire.

Il y a de quoi être secouée. Clouée. On se demande ce que vont devenir toutes ces victimes. Quelle sera leur place dans la société ? Comment retrouveront-elles leur dignité ? Et quid du travail de résilience ? Car les victimes portent rarement plainte. Elles n’ont guère de recours. Et les coupables ne sont pas jugés. La Cour Internationale de Justice est souvent alarmée trop tard, ou tout simplement jamais saisie. Questionnés par les journalistes du documentaire, les hommes qui ont commis ces actes de barbarie répondent avec candeur qu’ils n’ont fait qu’obéir aux ordres…

Pour le spectateur c’est un peu le trampoline des émotions : stupeur, dégoût, honte, révolte… On quitte la salle sans voix, un peu assommé, on discute avec quelques personnes dans le public, assommées elles aussi. J’entends un « Etait-ce la peine de « tout » montrer ? »D’infliger toutes ces horreurs au spectateur, notamment les scènes de nudité forcée, de torture, de scatologie, de waterboarding à Guantanamo ? Pour ceux qui ont porté ce projet, sans doute. Toutes ces images étaient nécessaires, urgentes. Surtout – et c’est peut-être là l’essentiel – que ce film n’a pas servi à rien. Comme le rappelle Eleanor Coleman, il a déjà permis de changer les lois en Ukraine, d’avoir l’oreille du gouvernement. Zero impunity milite et organise des marches pour que les militaires soient formés dans les écoles militaires à ne pas utiliser les violences sexuelles comme armes de guerre. Un vrai mouvement s’est déclenché.

Zero impunity lance l’alerte et « hurle » une demande de justice. Comme la petite Nora à la fin du film, au moment de monter à la barre.

Quant à moi, je rentre chez moi, la tête pleine d’images révoltantes – à pied, puisqu’il n’y a pas de transports. En même temps, marcher dans Paris va me permettre de digérer un peu ce film poignant et dérangeant.

Sophie Furlaud
Scénariste et « Mentorée » LFA

 *  Une journaliste du réseau ZI explique :
« Le viol d’hommes, de femmes, d’enfants est une arme efficace pour briser l’intimité d’une personne. Il démontre que l’on n’est rien, que l’humanité est niée. L’impunité est le début du chaos »