Coups de projecteur sur les femmes en compétition.
Des créatrices libres et engagées pour des œuvres originales sincères…
Vendredi 14 juin 2019… Dernier petit déjeuner des Femmes s’animent à Annecy. Aujourd’hui, coup de projecteur sur les femmes en compétitions… Toutes ont travaillé sur des sujets personnels, poétiques, parfois tragiques ; toutes ont dû batailler pour mener à bien leurs films.
Après avoir remporté le cristal du long métrage en 2012 pour son documentaire Le voyage de Monsieur Crulic, la réalisatrice roumaine Anca Damian est revenue à Annecy pour présenter son long métrage L’extraordinaire voyage de Marona. Lors de cette rencontre, Anca a pu témoigner de la liberté que lui offrait l’animation. Elle y crée des univers visuels d’une richesse exceptionnelle qu’elle met au service de l’histoire qu’elle souhaite raconter : à quoi peut bien penser une jeune chienne, tout juste percutée par une voiture, alors que sa maîtresse accourt auprès d’elle ? Ce long métrage, son troisième, témoigne une fois encore de son approche personnelle du cinéma : proposer des films qui sortent du cadre, des réflexions, des narrations émouvantes et différentes qui permettent d’apporter aux spectateurs une réflexion (amère) sur la vie et le bonheur.
Marion Guth, productrice du très remarqué Zero impunity, a exprimé avec force la puissance que peut avoir l’animation sur un sujet aussi difficile que les violences sexuelles comme arme de guerre… Ce film transmédia basé sur des enquêtes précises a nécessité une grande énergie de l’équipe et beaucoup de courage de la part de celles qui témoignent. C’est aujourd’hui une œuvre unique et engagée qui a suscité l’intérêt des Nations Unies. Cela démontre aussi l’impact social de l’animation qui peut permettre de donner la parole à celles et ceux que l’on n’entend jamais. Reste qu’une thématique si forte induit son lot de difficultés en termes de financement, de délais de production, de diffusion. D’autant plus que ce sujet, pourtant sociétal, a besoin d’être réactivé par l’actualité au moment de la sortie du film pour susciter l’intérêt des médias et du public. Au-delà des difficultés, Marion exprime son bonheur d’avoir travaillé sur ce projet. Elle y voit une forme d’engagement de l’animation et un modèle à suivre pour ses prochaines productions.
Jenny Jokela, réalisatrice, présentait à Annecy son court métrage Live a little, après avoir reçu un Cristal du film de fin d’étude en 2018. Son film illustre la fin de l’adolescence, et la liberté qui n’est pas toujours bien acceptée socialement. Réalisé avec un tout petit budget, Live a little a été un vrai défi pour la réalisatrice, et l’auteure, Célia Hillo. Toutes deux assurent que seule l’animation leur permet d’être aussi libres. Elles peuvent laisser voguer leur imagination afin de proposer des projets émouvants. Ainsi leur court métrage rappellent aux spectateurs leur propre jeunesse. L’animation leur permet en outre de ne pas se censurer, ce qu’elles constatent encore beaucoup chez d’autres créatrices qui travaillent d’autres formes. Sortir des stéréotypes et oser aborder tous les sujets afin d’en tirer l’essence d’une narration originale et bien menée, voilà leur but et ce pour quoi elles veulent rester fidèles à l’animation.
Dorte Bengtson, réalisatrice de la série Vitello diffusée au Danemark, explique qu’elle a eu la chance de travailler sur cette série impertinente, très difficile à vendre ou à diffuser dans d’autres pays car jugée trop libre ou sauvage selon les appréciations. Malgré tout, Dorte affirme tout comme ses comparses que seule l’animation lui offre cette audace et qu’elle ne changerait de médium pour rien au monde.
Régina Pessoa, réalisatrice du court métrage Oncle Thomas, ajoute que l’animation offre de réelles libertés sur tous les sujets personnels que l’on souhaite aborder. Elle qui avait déjà reçu un Cristal en 2006 pour son court métrage Histoire tragique avec fin heureuse obtient cette année le Prix du Jury au festival d’Annecy ! Comme quoi, un hommage très personnel à son oncle poète qui a beaucoup compté pour elle peut toucher tous les spectateurs par sa sensibilité, sa sincérité, son style graphique original. Régina témoigne d’un soutien sans faille de son producteur portugais. Elle s’interroge cependant sur le fait que les producteurs puissent faire confiance aux femmes pour des courts, mais peut-être moins pour des longs.
Un petit déjeuner riches en échanges donc, quels que soient les types de projets et les nationalités. Toutes les participantes s’accordent sur la liberté qu’offre l’animation dans le choix des sujets, la narration, le traitement visuel. Une liberté indispensable à ces créatrices qui ont déjà en tête de nouveaux projets. A suivre…
Valériane Cariou